PRESQUE BARBARE…
C’est d’abord l’énergie vitale presque barbare qui surprend dans l’œuvre de Pierre Marie Lejeune.
Au départ étaient les comètes suspendues aux arbres, elles évoquaient les origines, elles étaient les étranges fruits d’une nature en désordre pesant sur notre inconscient pour lui rappeler qu’avant l’existence de la nature, la terre était cette violente matière, cette nudité. L’artiste nous ramène ainsi à la perception d’un monde en fusion, métamorphose où la matière prend peu à peu sa place, d’un âge oublié, d’un monde sans l’homme.
Il sait évoquer cette origine obscure de la vie par la matière même de ses sculptures, pâte massive et coulées épaisses, formes originelles non formées, déplacements lents dans un cosmos immobile. Mais de cette pâte originelle il fait le voyage jusqu’à l’homme primitif, puis il évoque avec les triptyques et les reliefs, par leur robuste assemblage et la préciosité des matériaux utilisés, le début de la spiritualité hésitant encore entre paganisme et christianisme.
Ainsi à peine évoqué l’écho si lointain de l’homme à peine issu du chaos, ce jeune artiste nous oblige à confronter à notre sensibilité souvent trop raffinée la toute première vérité de notre tempérament.
Il tue le mythe du bon sauvage et en étranglant la légende, il lui rend sa dignité de barbare en quête de spiritualité.
Voyageur à cheval sur les siècles, Pierre Marie Lejeune conduit son barbare jusqu’à la lumière électrique et bizarrement la lueur qui fuse des pyramides – sculptures tient plus de l’appel cosmique que de tout autre chose. La lumière sans la science de Lascaux à Paladino en frôlant Patinir, David Caspar Friedrich, Emil Nolde, ce jeune artiste a pris une place tout à fait précise dans la création contemporaine, il est l’artisan d’une nouvelle sensibilité qui oppose à nos siècles de chrétienté, finalement de peu de foi et de peu d’amour, la force ensoleillée, cruelle et mystique que la nature primitive de l’homme impose à l’homme au cœur de la civilisation, et qui agit sur notre mémoire pour nous faire sentir les dangers fascinants d’un moderne Attila.
par Jean-Gabriel Mitterrand